Bordeaux : Chahuts festival de l'art de la parole

Chahuts se consacre aux arts de la (prise) de parole, comme discipline artistique (conte, arts du récit, chanson, art sonore, poésie sonore, toute forme en adresse directe au public) mais aussi comme rapport au monde : l'art de faire circuler la parole, l'art de l'écouter, la récolter, la mettre en valeur ou l'analyser. « L'esprit de Chahuts » évoque l'indiscipline, l'ouverture, la parole libre, l'inventivité, ainsi que l'esprit de fête propre à l'énergie de ses acteurs.

« Chahut » rappelle aussi l'enfance, l'insolence, le jeu, le plaisir d'être ensemble et la possibilité de mettre à distance la gravité parfois pesante du monde. Donner à entendre des récits, montrer des spectacles, mais aussi donner la parole pour inventer une relation à l'autre, écouter, se mettre au service des diversités de points de vue, de cultures, de mode de vie... ouvrir des espaces de liberté, d'imaginaire, de rêve, de remise en question de ce qui paraît établi.

Paola Gilles, directrice de Chahuts, nous présente cette édition

Respirer, ralentir, s’aligner S’électriser, s’enflammer, lutter, débattre, courir vite, déconstruire Rencontrer, échanger, fêter, transpirer Se confronter à d’autres points de vue Tout ça c’est possible à Chahuts Grâce aux artistes qui déplacent, enveloppent ou décapent Aux habitant·es qui prennent la parole, se dévoilent Aux spectateur·ices qui osent aller vers l’inconnu Aux bénévoles et aux équipes qui mettent du cœur à l’ouvrage L’histoire de Chahuts continue de s’écrire dans la joie avec l’équipe, les habitant·es et les artistes de Saint-Michel, de la Benauge et d’ailleurs. Un fil invisible nous réunit : l’écoute. Se rassembler autour des fictions de notre temps et les raconter ensemble ouvre des possibilités de réinventer la vie ensemble, et de créer des agoras où le dialogue est le cœur battant du festival. À Chahuts, la parole est vécue comme un outil d’empuissancement et de renversement possible des dominations qui demeurent. Chahuts arpente l’espace public et l’espace intime, comme autant de territoires où la parole et le corps sont des outils poétiques et politiques qui autorisent le ralentissement, l’étonnement, le silence et l’écoute. Chahuts est une folie douce, où les fêtes sont libératrices, fédératrices et cathartiques en cette année particulière de luttes et d’inflation : « Chahutez, chahutez, sinon nous sommes perdu·es » pour paraphraser Pina Bausch.

Les places et les rues de Saint-Michel et au-delà sont investies et occupées. Des expérimentations sont proposées, donnant l’occasion d'explorer d’autres possibles, d’autres manières de vivre et regarder ensemble. Des rendez-vous familiaux s’inventent aux sorties d’écoles.

Chahuter toute l'année !

La Fabrique c’est ce que ‘fabrique’ l’association Chahuts tout au long de l’année avec les personnes qu’elle rencontre, dans deux quartiers prioritaires de Bordeaux : la Benauge et Saint-Michel. C’est un processus qui a pour but d’initier des résidences et des projets participatifs qui mettent en relation des artistes et des personnes.

Favoriser la prise de parole

La Fabrique s’adresse à tous·tes, avec une attention particulière aux personnes invisibilisées. Elle a pour but de favoriser les rencontres. Elle permet aux participant·es de s’exprimer, d’être écouté·es et entendu·es. L’émancipation, l’estime de soi et le pouvoir d’agir sont au coeur de la démarche.

Créer avec le territoire

Les projets invités ou imaginés par Chahuts portent une attention particulière aux personnes vivant sur un territoire, la plupart sont même écrits et créés spécifiquement pour et avec ces personnes. Ces écritures contextuelles prennent des formes artistiques et esthétiques variées. Elles révèlent des lieux, des personnes, des pratiques et des histoires.

Pendant deux ans, de 2021 à 2023, c’est la thématique de l’amour du risque qui nous guide comme moteur de l’échange et de la rencontre !

Contexte

En 1991, plusieurs structures sociales, culturelles, éducatives du quartier Saint-Michel s’unissent pour créer le Festival du Conte interculturel Bordeaux-Saint-Michel, à l’initiative d’une animatrice du Centre d’Animation. Parmi elles, le Centre d’Animation bien sûr, ainsi que ALIFS, O Sol de Portugal, Promo-Femmes…

Leur enjeu est de créer un événement dont les habitant-e-s seraient fier-e-s, un événement qui ferait venir d’autres personnes et modifierait ainsi l’image de ce quartier vécu à l’extérieur comme mal famé. Ils choisissent le conte comme objet de travail, celui-ci étant présent dans toutes les cultures et présentant l’avantage d’utiliser le vecteur de l’oralité, ce qui évitera les barrières de l’écrit pour les gens ne parlant pas le français.

L’association prend donc racine dans le terreau du territoire, tout en souhaitant d’emblée s’inscrire dans un rapport artistique d’exigence. Cette ligne directrice se poursuit encore aujourd’hui ; les mutations depuis ont été multiples, dans les personnes, les méthodes, les soutiens, les noms même puisque l’association et le festival ont plusieurs fois changé pour aboutir à un nom éponyme à la fin des années 2000 : Chahuts. C’est cependant toujours cette même articulation profonde entre art et politique (dans le sens d’action au cœur de la cité) qui prévaut aujourd’hui.

Le "chahut" à l'origine est le nom d'une danse populaire créée en 1830 et interdite 20 ans plus tard dons les lieux publics. parce qu'indécente. Actuellement on l’emploie pour exprimer le tumulte d'étudionts ou d'écoliers qui protestent contre leur professeur.

Lieu de fabrique culturelle, l’association se consacre à la promotion des arts de la parole en s’appuyant sur un travail d’accompagnement de la création (résidences, commandes, compagnonnage). Suivant pas à pas des projets exigeants et inventifs, elle inscrit sa dé­marche de co-construction dans la durée, par une inscription dans le territoire et la mise en réseau de nombreux partenaires. Sa posture éthique vise à impliquer chacun avec la même considération, qu’il s’agisse d’artistes, de structures culturelles, socio-culturelles, d’assos et de personnes de tout poil et à tenter d’inventer ensemble des processus et des réalisations qui appartiennent aux uns et aux autres, chacun dans sa singularité, au sein du collectif. Chaque année en juin, elle met en place Chahuts, festival des arts de la parole, point d’orgue joyeux et festif de son action à l’année.