Rosa Bonheur : une exposition exceptionnelle à Bordeaux

Aujourd’hui peu connue du grand public, Rosa Bonheur fut pourtant l’une des artistes les plus célèbres en son temps. Entrez au cœur de l’exposition Rosa Bonheur (1822-1899) et découvrez quelques-uns des 200 chefs-d’œuvre exposés, dont certains pour la première fois en France.

Rosa Bonheur : une exposition exceptionnelle à Bordeaux

Aujourd’hui peu connue du grand public, Rosa Bonheur fut pourtant l’une des artistes les plus célèbres en son temps. Entrez au cœur de l’exposition Rosa Bonheur (1822-1899) et découvrez quelques-uns des 200 chefs-d’œuvre exposés, dont certains pour la première fois en France.

Articulée autour de différentes sections – des œuvres de jeunesse au Labourage nivernais et au Marché aux chevaux, de l’atelier aux voyages dans les Pyrénées et ou encore en Écosse - laissez-vous transporter dans cette exposition qui retrace la vie et le meilleur de l’œuvre de Rosa Bonheur !

À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur à Bordeaux, le musée des Beaux-Arts de sa ville natale et le musée d’Orsay, Paris, organisent une importante rétrospective de son œuvre. Le Château de Rosa Bonheur à Thomery (Seine-et-Marne), où l’artiste vécut près d’un demi-siècle, ainsi que le Musée départemental des peintres de Barbizon sont les partenaires exceptionnels de l’exposition. Le bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur est inscrit au calendrier des commémorations de France Mémoire 2022. Il s’agit de la première rétrospective consacrée à l’artiste depuis celle présentée en 1997 à Bordeaux, Barbizon et New York.

Événement majeur sur le plan national et international, cette exposition met à l’honneur Rosa Bonheur, artiste hors normes, novatrice et inspirante. Véritable icône de l’émancipation des femmes, Rosa Bonheur a placé le monde vivant au cœur de son travail et de son existence et s'est engagée pour la reconnaissance des animaux dans leur singularité. Renouvelant le regard porté sur cette artiste et son œuvre, longtemps limité à une vision caricaturale, l’exposition révèle des pans moins connus de sa création : sa virtuosité dans l’art du dessin, sa verve satirique, le souffle épique de son inspiration ouest-américaine, sans oublier son talent incomparable de portraitiste des animaux dont elle sut si bien capter l’âme. Cette exposition permet ainsi de faire (re)découvrir au public la puissance et la richesse de son art, ainsi que sa vie de femme libre, devenue mythique, et son œuvre, populaires aux États-Unis et en Angleterre.

George Achille-Fould - Portrait de Rosa Bonheur - © Musée des Beaux-Arts - Photo : F. Deval.George Achille-Fould - Portrait de Rosa Bonheur - © Musée des Beaux-Arts - Photo : F. Deval

Cette exposition est présentée en 2022 à Bordeaux puis à Paris. À Bordeaux, elle se déploie entre la Galerie des Beaux-Arts et l'aile nord du musée et rassemble près de 200 œuvres – peintures, arts graphiques, sculptures, photographies et documents – issues des plus prestigieuses collections publiques et privées d'Europe et des États-Unis. Par son sujet et ses enjeux, au cœur de l’actualité, cette exposition s’inscrit dans le courant international des expositions consacrées aux artistes femmes et dans le regain d’intérêt pour la thématique animalière qui sera mise à l’honneur à l’occasion du Festival d’histoire de l’art de Fontainebleau cette année.

Fascinée par l’Ouest américain, Rosa Bonheur a peint de nombreuses œuvres, de Buffalo Bill, figure mythique de la conquête de l'Ouest jusqu’aux amérindiens, en passant par les animaux peuplant les grandes plaines. Prêté par le Muséum de Bordeaux – sciences et nature, un bison d’Amérique est à découvrir au cœur de l’exposition. Par ailleurs, pendant la période estivale, participez aux ateliers familles au musée ou observez, dans les collections du Muséum, les animaux qui ont tant inspiré Rosa Bonheur.

Bison d'Amérique, crédit photo : F. Deval - Mairie de BordeauxBison d'Amérique - Crédit photo F. Deval - Mairie de Bordeaux

Je ne me plaisais qu’au milieu de ces bêtes, je les étudiais avec passion dans leurs mœurs. Une chose que j’observais avec un intérêt spécial, c’était l’expression de leur regard : l’œil n’estil pas le miroir de l’âme pour toutes les créatures vivantes ? n’est-ce pas là que se peignent les volontés, les sensations des êtres auxquels la nature n’a pas donné d’autre moyen d’exprimer leur pensée ? - Rosa Bonheur

Les portraits de Rosa Bonheur

Du 1er juillet au 18 septembre, les grilles du Jardin public sont habillées de reproductions d’œuvres de Rosa Bonheur. Du lion à son petit toutou bien-aimé, en passant par la hure du sanglier, découvrez une véritable ménagerie, à l’image de celle que possédait Rosa Bonheur au Château de By, sa dernière résidence principale située à Thomery (Seine-et-Marne).

Crédit photo : F. Deval - Mairie de BordeauxCrédit photo F. Deval - Mairie de Bordeaux

Qui était Rosa Bonheur ?

Sandra Buratti-Hasan Conservatrice du patrimoine. Directrice adjointe du musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

Née à Bordeaux en 1822, elle reçoit l’enseignement de son père, peintre de paysages, et suit un apprentissage avec ses frères et sœur, apprentissage fondé sur le dessin et la pratique de la copie. Lorsque sa famille emménage à Paris, elle arpente inlassablement les salles du Louvre pour étudier les maîtres anciens. Elle pratique le modelage pour perfectionner son dessin et devient également sculptrice. Rosa Bonheur est fascinée par le monde animal. Très tôt, elle s’entoure de chevaux, de moutons, d’oiseaux, qu’elle chérit et qu’elle prend pour modèles. Elle décide de vouer sa vie à leur représentation. Lectrice des traités de sciences naturelles, elle porte une attention infinie à leur anatomie.

Son père, fervent adepte des doctrines de Saint-Simon, la soutient dans sa volonté et l’incite à « dépasser Madame Vigée-Lebrun ». Mais Rosa Bonheur doit surtout compter sur ses propres ressources, alors que son père s’est investi corps et âme au couvent de Ménilmontant et que sa mère peine à subvenir aux besoins de la famille. Rosa Bonheur n’a que 11 ans lorsque sa mère meurt d’épuisement. Sa disparition marqua profondément l’artiste et l’incita à ne dépendre que d’elle-même, aussi bien financièrement que moralement.MusBA Dp RosaBonheur 1 1

En 1841, à l’âge de 19 ans, Rosa Bonheur fait son entrée au Salon avec deux toiles, dont Deux Lapins (Musée des Beaux-Arts de Bordeaux). On perçoit déjà la minutie quasi photographique apportée à la représentation de ces animaux qui caractérise l’art de Rosa Bonheur et où transparaît la technique des animaliers nordiques du XVIIe siècle. En 1845, elle reçoit une médaille de troisième classe, pour une scène de Labourage. Trois ans plus tard, c’est une médaille de première classe pour Taureaux et bœufs (race du Cantal) (non localisé). La critique est unanime et Rosa Bonheur supplante la précédente génération des peintres animaliers. La toute récente Seconde République lui commande alors un sujet puisé dans la vie rurale : ce sera le Labourage nivernais, le sombrage (Paris, musée d’Orsay), œuvre acclamée au Salon de 1849. Dès lors, Rosa Bonheur devient l’une des figures majeures de la scène artistique contemporaine.

Rosa Bonheur a de grandes ambitions. Elle souhaite donner à la peinture animalière le même statut que la peinture d’histoire, le grand genre par excellence. Pour cela, elle n’hésite pas à choisir des formats monumentaux et à dépasser les limites que la société impose aux femmes. L’artiste souhaite frapper les esprits et représenter la puissance des chevaux dans une scène contemporaine. Elle obtient de la préfecture un permis de travestissement qui l’autorise à porter le pantalon pour étudier les bêtes au plus près, notamment dans les abattoirs. En 1853, elle présente au Salon Le Marché aux chevaux de Paris, qui est perçu comme une frise du Parthénon contemporaine. Le tableau obtient un succès considérable. Il est acheté par le marchand d’origine belge Ernest Gambart et est envoyé en tournée triomphale au Royaume-Uni, où la reine Victoria elle-même demande à voir le tableau. Rosa Bonheur assure la promotion de son œuvre outre-Manche où elle se rend notamment en 1855 et en 1856. Elle est acclamée partout où elle se rend. Les commandes affluent, des Etats-Unis également, et les œuvres circulent, par le biais de leur reproduction gravée. Le Marché aux chevaux passe entre plusieurs mains avant d’être offert par le millionnaire Cornelius Vanderbilt II au Metropolitan Museum à New York.

Grâce à son succès financier, Rosa Bonheur fait l’acquisition du château de By à Thomery, le « Domaine de la parfaite amitié », en lisière de la forêt de Fontainebleau. Elle s’y installe avec Nathalie Micas, son amie depuis l’adolescence, et la mère de celle-ci. Forte de son indépendance financière et morale, Rosa Bonheur instaure ici un véritable matrimoine, où les femmes s’allient pour asseoir leur liberté. Pour sa réussite, son courage et son audace, Rosa Bonheur est rapidement perçue comme un modèle et une icône du féminisme. En 1865, elle est la première femme artiste à recevoir la Légion d’honneur, remise à son atelier par l’impératrice Eugénie.

By devient le refuge de Rosa Bonheur. Elle peut échapper aux mondanités auxquelles son succès la contraint à Paris, même si elle continue d’accueillir de nombreux amis, écrivains et musiciens. Elle dispose de la place nécessaire pour choyer ses modèles, qui deviennent de plus en plus nombreux et divers : « à certains moments, c’est une véritable arche de Noé que j’ai eue là. On y a vu des mouflons, des cerfs, des biches, des isards, des sangliers, des moutons, des chevaux, des bœufs et même des lions. » Rosa Bonheur travaille inlassablement, avec l’aide de Nathalie Micas qui prépare les toiles, reporte les calques. Elle produit de nombreuses études sur le motif qui constituent un répertoire d’une richesse inouïe dans lequel elle puise jusqu’à la fin de sa vie. Elle utilise également la photographie, dessine et peint à l’aquarelle sur certains tirages. Elle n’hésite pas à explorer des techniques auxquelles on ne l’associe guère, tel que le cyanotype, comme on en a découvert récemment dans les greniers du château.

En 1889, Nathalie Micas s’éteint, laissant Rosa Bonheur désespérée et incapable de peindre. Après plusieurs mois de torpeur, elle trouve néanmoins un nouvel élan dans la fougue du Wild West Show qui attire les foules à Paris. Elle fait la connaissance de Buffalo Bill, dont elle réalise le portrait et qui l’autorise à séjourner au camp. Elle peut y croquer les bisons et les acteurs amérindiens qui la fascinent.

Rosa Bonheur passe les dernières années de sa vie avec une portraitiste américaine, Anna Klumpke, qui s’installe à ses côtés à By. Rosa Bonheur apprécie son éducation féministe et s’adresse à elle en ces termes : « … j’admire les idées américaines en ce qui concerne l’éducation des femmes. Car vous n’avez pas, comme chez nous, le sot préjugé que les jeunes filles sont exclusivement destinées au mariage. » Rosa Bonheur propose à Anna Klumpke de recueillir ses souvenirs et d’écrire sa biographie selon ses directives. À la mort de l’animalière en 1899, Anna Klumpke devient sa légataire universelle et hérite du château et de toutes les œuvres qui y étaient conservées, au grand dam de la famille de l’artiste. Elle organise la vente de l’atelier en 1900 à la Galerie Georges Petit et fait don d’œuvres importantes aux musées nationaux. Elle perpétue la mémoire de Rosa Bonheur et contribue à ce que le château de By, que l’on peut de nouveau visiter aujourd’hui, reste le « sanctuaire » que chérissait Rosa Bonheur.

Revoir l’œuvre de Rosa Bonheur nous invite à changer de perspectives, à mieux regarder le vivant dans sa singularité. L’engagement artistique de Rosa Bonheur, son indépendance et sa liberté d’être au monde constituent aujourd’hui encore de précieux compagnons de route.

Rosa Bonheur (1822-1899), La Foulaison du blé en Camargue, 1864-1899, huile sur toile © Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, photo F. Deval.Rosa Bonheur (1822-1899), La Foulaison du blé en Camargue, 1864-1899 - © Musée des Beaux-Arts de Bordeaux - Photo F. Deval.

Rosa Bonheur : une exposition exceptionnelle à Bordeaux
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Articulée autour de différentes sections – des œuvres de jeunesse au Labourage nivernais et au Marché aux chevaux, de l’atelier aux voyages dans les Pyrénées et ou encore en Écosse - laissez-vous transporter dans cette exposition qui retrace la vie et le meilleur de l’œuvre de Rosa Bonheur !

À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur à Bordeaux, le musée des Beaux-Arts de sa ville natale et le musée d’Orsay, Paris, organisent une importante rétrospective de son œuvre. Le Château de Rosa Bonheur à Thomery (Seine-et-Marne), où l’artiste vécut près d’un demi-siècle, ainsi que le Musée départemental des peintres de Barbizon sont les partenaires exceptionnels de l’exposition. Le bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur est inscrit au calendrier des commémorations de France Mémoire 2022. Il s’agit de la première rétrospective consacrée à l’artiste depuis celle présentée en 1997 à Bordeaux, Barbizon et New York.

Événement majeur sur le plan national et international, cette exposition met à l’honneur Rosa Bonheur, artiste hors normes, novatrice et inspirante. Véritable icône de l’émancipation des femmes, Rosa Bonheur a placé le monde vivant au cœur de son travail et de son existence et s'est engagée pour la reconnaissance des animaux dans leur singularité. Renouvelant le regard porté sur cette artiste et son œuvre, longtemps limité à une vision caricaturale, l’exposition révèle des pans moins connus de sa création : sa virtuosité dans l’art du dessin, sa verve satirique, le souffle épique de son inspiration ouest-américaine, sans oublier son talent incomparable de portraitiste des animaux dont elle sut si bien capter l’âme. Cette exposition permet ainsi de faire (re)découvrir au public la puissance et la richesse de son art, ainsi que sa vie de femme libre, devenue mythique, et son œuvre, populaires aux États-Unis et en Angleterre.

George Achille-Fould - Portrait de Rosa Bonheur - © Musée des Beaux-Arts - Photo : F. Deval.George Achille-Fould - Portrait de Rosa Bonheur - © Musée des Beaux-Arts - Photo : F. Deval

Cette exposition est présentée en 2022 à Bordeaux puis à Paris. À Bordeaux, elle se déploie entre la Galerie des Beaux-Arts et l'aile nord du musée et rassemble près de 200 œuvres – peintures, arts graphiques, sculptures, photographies et documents – issues des plus prestigieuses collections publiques et privées d'Europe et des États-Unis. Par son sujet et ses enjeux, au cœur de l’actualité, cette exposition s’inscrit dans le courant international des expositions consacrées aux artistes femmes et dans le regain d’intérêt pour la thématique animalière qui sera mise à l’honneur à l’occasion du Festival d’histoire de l’art de Fontainebleau cette année.

Fascinée par l’Ouest américain, Rosa Bonheur a peint de nombreuses œuvres, de Buffalo Bill, figure mythique de la conquête de l'Ouest jusqu’aux amérindiens, en passant par les animaux peuplant les grandes plaines. Prêté par le Muséum de Bordeaux – sciences et nature, un bison d’Amérique est à découvrir au cœur de l’exposition. Par ailleurs, pendant la période estivale, participez aux ateliers familles au musée ou observez, dans les collections du Muséum, les animaux qui ont tant inspiré Rosa Bonheur.

Bison d'Amérique, crédit photo : F. Deval - Mairie de BordeauxBison d'Amérique - Crédit photo F. Deval - Mairie de Bordeaux

Je ne me plaisais qu’au milieu de ces bêtes, je les étudiais avec passion dans leurs mœurs. Une chose que j’observais avec un intérêt spécial, c’était l’expression de leur regard : l’œil n’estil pas le miroir de l’âme pour toutes les créatures vivantes ? n’est-ce pas là que se peignent les volontés, les sensations des êtres auxquels la nature n’a pas donné d’autre moyen d’exprimer leur pensée ? - Rosa Bonheur

Les portraits de Rosa Bonheur

Du 1er juillet au 18 septembre, les grilles du Jardin public sont habillées de reproductions d’œuvres de Rosa Bonheur. Du lion à son petit toutou bien-aimé, en passant par la hure du sanglier, découvrez une véritable ménagerie, à l’image de celle que possédait Rosa Bonheur au Château de By, sa dernière résidence principale située à Thomery (Seine-et-Marne).

Crédit photo : F. Deval - Mairie de BordeauxCrédit photo F. Deval - Mairie de Bordeaux

Qui était Rosa Bonheur ?

Sandra Buratti-Hasan Conservatrice du patrimoine. Directrice adjointe du musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

Née à Bordeaux en 1822, elle reçoit l’enseignement de son père, peintre de paysages, et suit un apprentissage avec ses frères et sœur, apprentissage fondé sur le dessin et la pratique de la copie. Lorsque sa famille emménage à Paris, elle arpente inlassablement les salles du Louvre pour étudier les maîtres anciens. Elle pratique le modelage pour perfectionner son dessin et devient également sculptrice. Rosa Bonheur est fascinée par le monde animal. Très tôt, elle s’entoure de chevaux, de moutons, d’oiseaux, qu’elle chérit et qu’elle prend pour modèles. Elle décide de vouer sa vie à leur représentation. Lectrice des traités de sciences naturelles, elle porte une attention infinie à leur anatomie.

Son père, fervent adepte des doctrines de Saint-Simon, la soutient dans sa volonté et l’incite à « dépasser Madame Vigée-Lebrun ». Mais Rosa Bonheur doit surtout compter sur ses propres ressources, alors que son père s’est investi corps et âme au couvent de Ménilmontant et que sa mère peine à subvenir aux besoins de la famille. Rosa Bonheur n’a que 11 ans lorsque sa mère meurt d’épuisement. Sa disparition marqua profondément l’artiste et l’incita à ne dépendre que d’elle-même, aussi bien financièrement que moralement.MusBA Dp RosaBonheur 1 1

En 1841, à l’âge de 19 ans, Rosa Bonheur fait son entrée au Salon avec deux toiles, dont Deux Lapins (Musée des Beaux-Arts de Bordeaux). On perçoit déjà la minutie quasi photographique apportée à la représentation de ces animaux qui caractérise l’art de Rosa Bonheur et où transparaît la technique des animaliers nordiques du XVIIe siècle. En 1845, elle reçoit une médaille de troisième classe, pour une scène de Labourage. Trois ans plus tard, c’est une médaille de première classe pour Taureaux et bœufs (race du Cantal) (non localisé). La critique est unanime et Rosa Bonheur supplante la précédente génération des peintres animaliers. La toute récente Seconde République lui commande alors un sujet puisé dans la vie rurale : ce sera le Labourage nivernais, le sombrage (Paris, musée d’Orsay), œuvre acclamée au Salon de 1849. Dès lors, Rosa Bonheur devient l’une des figures majeures de la scène artistique contemporaine.

Rosa Bonheur a de grandes ambitions. Elle souhaite donner à la peinture animalière le même statut que la peinture d’histoire, le grand genre par excellence. Pour cela, elle n’hésite pas à choisir des formats monumentaux et à dépasser les limites que la société impose aux femmes. L’artiste souhaite frapper les esprits et représenter la puissance des chevaux dans une scène contemporaine. Elle obtient de la préfecture un permis de travestissement qui l’autorise à porter le pantalon pour étudier les bêtes au plus près, notamment dans les abattoirs. En 1853, elle présente au Salon Le Marché aux chevaux de Paris, qui est perçu comme une frise du Parthénon contemporaine. Le tableau obtient un succès considérable. Il est acheté par le marchand d’origine belge Ernest Gambart et est envoyé en tournée triomphale au Royaume-Uni, où la reine Victoria elle-même demande à voir le tableau. Rosa Bonheur assure la promotion de son œuvre outre-Manche où elle se rend notamment en 1855 et en 1856. Elle est acclamée partout où elle se rend. Les commandes affluent, des Etats-Unis également, et les œuvres circulent, par le biais de leur reproduction gravée. Le Marché aux chevaux passe entre plusieurs mains avant d’être offert par le millionnaire Cornelius Vanderbilt II au Metropolitan Museum à New York.

Grâce à son succès financier, Rosa Bonheur fait l’acquisition du château de By à Thomery, le « Domaine de la parfaite amitié », en lisière de la forêt de Fontainebleau. Elle s’y installe avec Nathalie Micas, son amie depuis l’adolescence, et la mère de celle-ci. Forte de son indépendance financière et morale, Rosa Bonheur instaure ici un véritable matrimoine, où les femmes s’allient pour asseoir leur liberté. Pour sa réussite, son courage et son audace, Rosa Bonheur est rapidement perçue comme un modèle et une icône du féminisme. En 1865, elle est la première femme artiste à recevoir la Légion d’honneur, remise à son atelier par l’impératrice Eugénie.

By devient le refuge de Rosa Bonheur. Elle peut échapper aux mondanités auxquelles son succès la contraint à Paris, même si elle continue d’accueillir de nombreux amis, écrivains et musiciens. Elle dispose de la place nécessaire pour choyer ses modèles, qui deviennent de plus en plus nombreux et divers : « à certains moments, c’est une véritable arche de Noé que j’ai eue là. On y a vu des mouflons, des cerfs, des biches, des isards, des sangliers, des moutons, des chevaux, des bœufs et même des lions. » Rosa Bonheur travaille inlassablement, avec l’aide de Nathalie Micas qui prépare les toiles, reporte les calques. Elle produit de nombreuses études sur le motif qui constituent un répertoire d’une richesse inouïe dans lequel elle puise jusqu’à la fin de sa vie. Elle utilise également la photographie, dessine et peint à l’aquarelle sur certains tirages. Elle n’hésite pas à explorer des techniques auxquelles on ne l’associe guère, tel que le cyanotype, comme on en a découvert récemment dans les greniers du château.

En 1889, Nathalie Micas s’éteint, laissant Rosa Bonheur désespérée et incapable de peindre. Après plusieurs mois de torpeur, elle trouve néanmoins un nouvel élan dans la fougue du Wild West Show qui attire les foules à Paris. Elle fait la connaissance de Buffalo Bill, dont elle réalise le portrait et qui l’autorise à séjourner au camp. Elle peut y croquer les bisons et les acteurs amérindiens qui la fascinent.

Rosa Bonheur passe les dernières années de sa vie avec une portraitiste américaine, Anna Klumpke, qui s’installe à ses côtés à By. Rosa Bonheur apprécie son éducation féministe et s’adresse à elle en ces termes : « … j’admire les idées américaines en ce qui concerne l’éducation des femmes. Car vous n’avez pas, comme chez nous, le sot préjugé que les jeunes filles sont exclusivement destinées au mariage. » Rosa Bonheur propose à Anna Klumpke de recueillir ses souvenirs et d’écrire sa biographie selon ses directives. À la mort de l’animalière en 1899, Anna Klumpke devient sa légataire universelle et hérite du château et de toutes les œuvres qui y étaient conservées, au grand dam de la famille de l’artiste. Elle organise la vente de l’atelier en 1900 à la Galerie Georges Petit et fait don d’œuvres importantes aux musées nationaux. Elle perpétue la mémoire de Rosa Bonheur et contribue à ce que le château de By, que l’on peut de nouveau visiter aujourd’hui, reste le « sanctuaire » que chérissait Rosa Bonheur.

Revoir l’œuvre de Rosa Bonheur nous invite à changer de perspectives, à mieux regarder le vivant dans sa singularité. L’engagement artistique de Rosa Bonheur, son indépendance et sa liberté d’être au monde constituent aujourd’hui encore de précieux compagnons de route.

Rosa Bonheur (1822-1899), La Foulaison du blé en Camargue, 1864-1899, huile sur toile © Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, photo F. Deval.Rosa Bonheur (1822-1899), La Foulaison du blé en Camargue, 1864-1899 - © Musée des Beaux-Arts de Bordeaux - Photo F. Deval.

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