La ville d’Hiver a été créée par les frères Pereire en 1862 sur un domaine de 110 hectares situé sur la partie haute d’Arcachon nommée »la petite montagne ».C’était un sanatorium ouvert destiné à soigner la tuberculose. Les vertus de l’air maritime combiné avec l’air térébenthine de la forêt étaient très recherchées.
La ballade classique était de se rendre à la grande dune (près du centre hippique actuellement)
Les enfants fatigués ou anémiés étaient fréquemment conduits dans la pinède pour respirer une bonne odeur de résine à la fois calmante et tonifiante. Pour leur plus grande joie, une piste d’aiguilles de pin leur permettait de glisser sur des luges artisanales. C’est ainsi que naquit la première piste d’Arcachon vers 1900. En 1912, monsieur Toutin organise la première course de luges avec au programme deux épreuves une de distance et une de vitesse à deux.
1938, un polytechnicien, monsieur Harlé, président du ski club Bordelais, a l’idée de recouvrir le sable d’aiguilles de pin pour pouvoir skier. Cette neige d’Arcachon se nomme le « greppin ». Une couche d’aiguilles de 5à10 centimètres d’épaisseur est suffisante pour glisser. La piste est ainsi opérationnelle à peu de frais. Le ski club Acachonnais (S. C. A.) est né.
La piste centrale mesure plus de 200 mètres sur une largeur de 20 mètres et 50 mètres de dénivelé. Un tremplin fut rapidement ajouté. Il fallait remonter à pied , skis sur l’épaule puis en 1963 une remontée mécanique permis de multiplier le nombre de descentes par quatre dans l’après midi, sans effort.
Chaque année, la Ville d’Arcachon apportait quatre remorques d’aiguilles de pin ce qui permettait de refaire entièrement la piste. Le reste de l’année quelques apports ponctuels d’aiguilles ramassées dans la forêt environnante, à l’aide d’un traîneau, suffisaient à son entretien.

Le matériel
Avant la guerre de simples lames de barrière de Gironde bricolées, puis les skis en bois avec des lanières de cuir pour arriver aux skis avec des carres puis semelles en plastique. Le matériel sophistiqué n’est pas de mise car la technique est particulière.
Il est plus difficile de skier sur les aiguilles de pin, la prise de carres ne pouvant se faire franchement. Il est nécessaire de skier à plat tout en souplesse et finesse. Pour passer de la neige au greppin il faut plusieurs descentes d’adaptation. L’ inverse ne pose aucun problème. L a vitesse est plus lente que sur la neige, mais néanmoins il est possible d’atteindre 60kilomètres/heure.
Les aiguilles bien sèches ou bien mouillées permettent d’obtenir la plus grande vitesse. Pour obtenir rapidement de la vitesse il vaut mieux farter les skis. Le fartage avec de la paraffine ou de la bougie était de mise. La droguerie « Broutouly » était le fournisseur officiel de pains de paraffine pour confiture. Charly Glémet surnommé « papillon ,un des fondateurs de la piste avait créé la fart « papillon », un mélange secret de cire, de paraffine et de blanc de baleine!
La piste offrait la possibilité de faire des descentes libres en position de recherche de vitesse ou d’effectuer des slaloms d’une vingtaine de portes,épreuve très technique. Quant au tremplin il permettait des sauts d’une quinzaine de mètres.
Entre les années 1955 et 1970 la piste était ouverte deux après midis par semaine, le jeudi et le dimanche. Toute la jeunesse Arcachonnaise est venue au moins une fois s’essayer sur cette piste. L émulation était forte. Chaque après midi une trentaine de skieurs, dont certains venaient de Bordeaux se retrouvait ainsi à apprendre les rudiments de ce sport. C’était simple et moins onéreux que de se déplacer dans les Pyrénées. Le ski club Arcachonnais, en 1960, comptait 420 membres dont 250 de moins de 18 ans.
L’hiver, à plusieurs reprises, avaient lieu des compétitions qui réunissaient les membres du club. Au programme:descente, slalom, et saut. Entre les années 1945 et 1950 il y eut même des épreuves de demi fond constituées en une boucle de dix kilomètres à travers la forêt. La bagarre amicale était âpre entre Arcachonnais. Pour remporter la coupe à l’issue de l’hiver il était impératif d’avoir été le meilleur tout au long de l’année.
Chaque année, à partir de 1947, en général le premier dimanche de septembre, se courrait sur la piste d’Arcachon la dernière compétition officielle de ski figurant sur le calendrier officiel de la fédération française de ski au même titre que Chamonix, Mégève...Elle rassemblait des skieurs venant de toute la France et en particulier des Pyrénées.Au programme descente, slalom et saut. Près d’une centaine de concurrents participait. Le niveau était très relevé.
Sont ainsi venus concourir sur la piste d’aiguilles de pin en 1947, François Vignolles champion des Pyrénées, Pierre Marcou et René Jeandel champions de France ( le second de saut), Pierre Neboit champion universitaire de slalom. Puis Lucienne Schmidt-Couttet, championne du monde en 1954, Annie Famose championne du monde et vice championne olympique de 1957 à 1965, en1966 Isabelle Mir ( Mirabelle) championne du monde et vice championne olympique, Gaston Perrot et Jean-Louis Ambroise membres de l’équipe de France, Jean-Pierre Famose membre de l’équipe de France universitaire.
Sont aussi venus, en 1964 tous les membres de l’équipe de France de fond ainsi que ceux de l’équipe de France de saut en 1965. Le niveau a toujours était très relevé et malgré cela à plusieurs reprises les Arcachonnais se sont montrés les meilleurs.
En 1946 Le ski club Arcachonnais a accueilli le congrès de la Fédération Pyrénéenne Occidentale de ski, puis en 1956, le congrès annuel de la Fédération française de ski. Cette piste a fait l’objet de nombreux reportages dans divers médias dont Paris-Match et la Télévision.
Outre le côté médiatique pour Arcachon, le côté sportif pour les jeunes, cette piste bien anodine en apparence a permis à plus d’une dizaine d’Arcachonnais de trouver une situation en devenant moniteur de ski dans des stations alpines ou pyrénéennes. L’un d’eux fit partie du staff de l’équipe de France féminine. Actuellement le fils d’un arcachonnais, moniteur à Tignes, fait partie de l’équipe de France espoir de saut acrobatique. Comme quoi apprendre à skier à Arcachon peut servir de tremplin dans sa vie.
Le ski club a eu longtemps une équipe compétition qui participa à de nombreuses courses sur neige. A plusieurs reprises les Arcachonnais brillèrent jusqu’à remporter la victoire.

Suite à un malheureux incident sur la remontée mécanique et le départ concomitant d’Arcachon de plusieurs bénévoles au service de cette piste, celle-ci a fermé en 1970. A l’heure actuelle, il serait tout à fait opportun de nettoyer le site, de remettre des aiguilles de pin afin de montrer à la population arcachonnaise ce qu’a pu être le ski sur gréppin. Il y a fort à parier que les jeunes auront à cœur d’essayer les surfs qui n’existaient pas il y a trente ans. L’association est prête pour une nouvelle aventure, à ressortir le matériel pour faire goûter, à tous, les joies du ski en short, au bord de la mer!